• J'aime les contrées solitaires rasées de près par la brume d'automne, cette nacre tenace qui vient se poser sur les arbres, les ailes d'oiseaux en partance, l'herbe drue et cendrée d'octobre, les vignes vendangées et les petits édifices de grés rose qui s'illuminent au crépuscule. Je marche un corbeau bleu sur mon épaule et je sillonne les étendues boisées que l'automne a enflammées. Au sol, les traces des échasses des cigognes tracent mon sentier de solitude semé de champs de blé orange embrasés par le couchant. J'aperçois plus en contre-bas leurs meules d'or échouées dans les granges où la paille grésille comme un feu de Bengale. Puis je continue ma chevauchée ponctuée par le cri rauque des corneilles dans l'air bleu sec et glacé.

     


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  • Je marche au bord de la mer qui dépose sur le sol de sable nu, strié de rose, des colliers d'algues brunes, goémons lustrés de la lumière d'aurore. Au loin, j'entends le cri rauque des mouettes blondes et des goélands perchés sur des roches rouges comme des statues vouées à la gloire de l'été. Le vent brise l'eau bleue, en fait des mosaïques qui scintillent sous la coupole de l'azur. Plus loin encore, j'entends le grondement de la tramontane et les bribes du chant des abeilles qui s'éloignent des vignes pour devenir fossile d'ambre, broches d'or sur le sable grège que je foule solitaire sur la grève. Puis je recueille ces bijoux solaires au creux de mes mains blêmes, l'air solennel, tout en silence.

     


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  • Ce lundi 15 avril au matin, j'ai longé les rives de l'Ill. La lumière de l'aurore mordorait les saules pleureurs déjà courbés, dont la chevelure tombante faite de feuilles vertes oblongues, touchait presque l'eau. Quelques oiseaux piaillaient sous le soleil crépitant tandis que les forsythias piquetaient de pièces d'or la rive baignée d'une douce lumière vernale. Quelques prunus endimanchés étendaient leurs branches couvertes de ouate rose comme des plumeaux de soie dans le ciel d'azur. Et sur l'eau bleue et lisse qui reflétait par endroits le dôme rouge de la cathédrale, quelques cygnes effarouchés esquissaient une danse comme un virevoltement de nacre sur le saphir de la rivière. J'aimais à les voir s'enhardir puis s'enlacer, ces grands oiseaux blancs pétris de neige, comme d'augustes messagers de l'espoir que rien ne semblait troubler.

     


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  • Nous venons de nous installer au café Brant comme dimanche dernier. Le soleil bat son plein et gicle de lumière comme un citron sur une feuille de soie bleu clair. Le ciel est azur en ce début d'après-midi et cela réconforte le moral comme ces jours d'été où l'on a l'impression que la lumière nous appartient. Belle lumière translucide qui se distille en fines gouttelettes sur le rebord des tables et des chaises, des arbres aussi dont la verdure des feuilles paraît toute vernie, lustrée. Je jouis sereinement et en silence de ce spectacle embrasé et souhaiterais qu'il perdure pour l'éternité quand le serveur très affairé me dit : "Votre expresso Madame!". Je le bois à petites gorgées, comme si je buvais un nectar de soleil d'été puis je continue de rêver, les yeux en direction du ciel et la tête bourdonnante du bruit des abeilles et du chant des oiseaux migrateurs. Pourquoi se presser?

     


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  • En ce moment, il me plairait de voir la mer universellement bleue, le sable grège et chaud et un ciel blond que déchire l'aurore. Il me plairait de rester longuement comme une statue de sable pour contempler la mer loin devant moi, regarder ses vagues se courber, ses volutes se former, ses rouleaux d'écume s'évaporer sur la grève comme des morceaux de dentelle ouvragée. Il me plairait de contempler, comme à la lisière du monde, ces figurines de sel que forgerait le sable sur la grève, ces coquillages de nacre perlés d'encre de seiche et, vers le soir, ourlés de sang crépusculaire. Il me plairait de marcher le long de l'eau, sentir la brise humide sur mon visage, fermer mes yeux et prier pour que le lendemain, le surlendemain, le pain rose de l'aube m'apporte la même félicité.

     


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