• Divins enfants

                 

        En parcourant les différents réseaux sociaux qui peuplent notre quotidien, je n'ai pas manqué d’être abreuvée d'images insolentes et colorées exhibant des familles parfaites avec leurs beaux enfants sportifs, déjà fort bronzés et musclés (eux aussi ils s'adonnent à la mode des UV ?).

    Leurs bambins aux allures de mannequins dressés à mimer leurs parents en quête de narcissisme effréné, nous envoûtent par leur musculature parfaite, leur joie de vivre irradiant tout sur leur passage, même la pauvre mouette, le pauvre moustique qui n’a rien demandé et qu’on a honteusement dérangé pour immortaliser l’Apollon ou la Venus  par une salve de prises de vue : Shootings savamment préparés qui donneront lieu à la publication planétaire de leurs exploits sur la toile déjà encombrée d’autres images similaires de divinités vivantes.

    Ainsi, sur FB ( facebook) ou insta (instagram), les parents béats d’admiration devant leur progéniture, pourront contempler à loisir le reflet miniature de leur propre égo. Ils pourront les voir s’agiter, leurs enfants, ils pourront les voir frétiller sur leur rutilant bateau, se déhancher comme de tristes marionnettes déambulant dans le corridor de la sottise, de l'orgueil boursouflé de leurs aînés qui se diront que, décidément, tout comme eux, les fruits de leur progéniture, sont de divines créatures.

    Leurs enfants ainsi instrumentalisés et qui se font appeler chéris, « amour de leur vie » et tutti quanti, n’ y verront que du feu. Au début du moins, ils acquiesceront à cette pitoyable exhibition. Mais viendra le temps de la prise de conscience, de la découverte amère de leur soumission, de leur abjecte chosification. Mais le mal sera fait et la révolte trop tardive lorsque quelques années plus tard, des gens malintentionnés feront chanter ces victimes de l’image, du narcissisme pathologique de leur géniteur, les montrant avec un maillot de bain (dernier cri au moment de la prise de vue), mais démodé deux ans plus tard dans une position qui les feront rougir devant le monde entier.

    Ces parents délicieux qui ont commis ces bévues se retrancheront derrière l’insouciance de «  leurs vertes années », nieront leur perversion, leur turpitude, diront que la crise d’adolescence est passée et que leurs jolis bambins bien peignés se sont transformés en monstres pour l’éternité, qu’ils les renient et qu’à aucun moment, il ne voudraient les adopter, que ces jolies images de leur enfant parfait appartiennent au passé.

    Mais aux côtés de ces enfants qui souffrent d’être surexposés, il est une autre espèce d'enfant, les délaissés, les oubliés, les laissés pour compte pour qui la monstration des exploits de leurs pairs de familles plus fortunées les plongera dans l’envie, le désespoir, la désolation, voire plus tard la révolte et l’insoumission. Lorsque, regardant avec jalousie les sublimes lieux de villégiature de ces enfants « bien nés », ils ne pourront que se rendre à l’évidence qu’ils sont « ratés », indignes de vivre, d’exister. Que leurs vacances passées au jardin d’en face, au centre aéré, au terrain vague d’à côté n’à pas les mêmes lettres de noblesse que les voyages  clinquants de leurs congénères privilégiés. Cela, je n’en suis pas sûre mais eux en sont persuadés !

    Le royaume de l'image est terrible, aussi dictatorial que les régimes les plus totalitaires de la planète. Et dans tout cela, ce sont avant tout les enfants qui trinquent en raison de la bêtise crasse de gentils, de joyeux et fanfarons tuteurs, de leur pitoyable égoïsme, de leur dramatique déraison.

    Croyez-moi, un peu d'esprit bougon et même d’indignation, un peu de leçon de morale ne fait pas de mal en cette morte saison !

     

    Alix Lerman Enriquez 

     


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