• Il y a quelques jours, j'ai longé le quai Rouget de Lisle. Des maisons blanches couvertes de lierre comme des araignées végétales jalonnaient mon chemin. Des cerisiers ornés de ouate rose irradiaient cette promenade matinale. Et, comme piqueté de petits plumeaux de couleur parme, l'azur éraflé de lilas formait un miroir lisse et spectral où je pouvais contempler à loisir le retour des oiseaux migrateurs. Leur long corps gracile se déhanchait langoureusement dans le ciel où tintaient déjà, comme en été, le bourdonnement des abeilles et de la brise naissante. Juché sur l'antenne roide et noire d'une villa bleue, un rouge-gorge frêle chantait une complainte étrangement triste dans ce décor vernal qui respirait l'allégresse.

     


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  • Sur la place de la République, j'ai pu contempler de loin l'éclosion des magnolias. Ils ponctuaient le parc de flammèches de soie rose presque froissée. De loin, on aurait dit d'immenses fleurs de papier crépon qui s'étoilaient sur l'azur solitaire. De près, chaque fleur boursoufflée, blanche et rose, ressemblait à un oiseau aux ailes entrouvertes sur le point de prendre son envol. Comme des luminaires roses, comme des bouquets fleuris de soie et de dentelle, ces arbres irradiaient le parc alentour, torches graciles où aimaient à se poser dé véritables oiseaux de passage.

    Longtemps j'ai rêvé de pouvoir extraire quelque nectar de ces frêles fleurs froissées, duveteuses, blessées par le soleil et le bec d'oiseaux en partance. Longtemps, j'ai rêvé de pouvoir presser, broyer ces morceaux de soie pour en boire le jus délicat, peindre à la lumière de l'aube ces broderies coloriées de sang pâle.

    Lorsque le soleil peine à éclore tout à fait sur cette belle place de la République, sur cette esplanade de nos errances, le parc qui y trône est un morceau de verdure sur le bitume martelé par le vrombissement des tramways et des voitures, un morceau de sérénité, un havre de paix dans ce tumulte citadin, dans ce brouhaha de gens pressés et sourds à toute poésie du silence, indifférents à tout plaisir contemplatif.

     


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  • Dehors, un faible soleil brillait et perçait la nacre nuageuse au dessus des arbres encore nus mais perlés au bout de leurs branches de petits bourgeons à peine visibles. Nous étions à la fin du mois de mars et la physionomie du paysage changeait déjà très presque imperceptiblement, laissant bientôt place aux splendeurs vernales. Bientôt, je l'espérais, nous aurions la chance de voir éclore les roses endimanchées toutes saupoudrées de soleil et d'abeilles butineuses. Bientôt, nous aurions le privilège de sentir sur le grain de notre peau la trace des sillons solaires qui ébaucheraient, sur ce parchemin hâlé, les premières arabesques d'avril comme de petites vaguelettes sur l'océan de lumière. Bientôt, le souvenir de l'hiver et de ses froidures ne seraient plus qu'un mauvais rêve. Du moins, nous l'espérions !

     


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  • Près de la lumière bleue, j'égrène mon chapelet de solitude. Quelques daims effarouchés s'approchent de la surface de l'eau, ondoyante, argentée . Ils y voient leur reflet tremblant qui lancent un appel au firmament déjà effiloché des nuées blondes du couchant incendiaire. Les lambeaux du soleil s'empourprent, ourlant d'un liseré de moire le reflet bleuissant des daims qui s'en vont et se couchent à la lisière du bois. Au loin, l'orbe lunaire navigue sur la surface lissée du ciel mauve comme une felouque chamarrée d'or et de nuit sur la mer de l'orient. Et dans le miroir rond de la lune, les graciles cervidés contemplent un autre reflet d'eux-mêmes, silhouettes incrustées de nacre sur le tissu rêche et sombre de leur nuit noire.

     


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  • J'aime les contrées solitaires rasées de près par la brume d'automne, cette nacre tenace qui vient se poser sur les arbres, les ailes d'oiseaux en partance, l'herbe drue et cendrée d'octobre, les vignes vendangées et les petits édifices de grés rose qui s'illuminent au crépuscule. Je marche un corbeau bleu sur mon épaule et je sillonne les étendues boisées que l'automne a enflammées. Au sol, les traces des échasses des cigognes tracent mon sentier de solitude semé de champs de blé orange embrasés par le couchant. J'aperçois plus en contre-bas leurs meules d'or échouées dans les granges où la paille grésille comme un feu de Bengale. Puis je continue ma chevauchée ponctuée par le cri rauque des corneilles dans l'air bleu sec et glacé.

     


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